Paréidolia, a haunted recording (EVP)
2008-2012
5min40

Depuis plusieurs années, j’ai conservé un enregistrement dont je n’ai pas osé parler.

En 2008, en travaillant une prise de son pour en extraire des éléments en vue d’une performance live, j’ai entendu un son qui m’a troublé dans les bruits ambiants. Je l’ai depuis réécouté de nombreuses fois sans pouvoir entendre autre chose que ce que j’ai entendu à ce moment là.
Comme on voit des formes dans les nuages ou on entend des musiques dans le vent s’engouffrant dans une fenêtre entr’ouverte, une voix semblait apparaître sur le fond sonore. Juste après un son que je voulais isoler pour le retravailler, un timbre vocal semblait dire « deux, huit, trois » de manière peu articulée.
Après divers filtrages et égalisations pour enlever le souffle ambiant (le vent dans les arbres), il ne restait que les évènements sonores, oiseaux, une portière qui claque (?), un train lointain, des gens qui passent dans une rue pas loin, un avion…
J’ai écouté ce court passage (environ 2 secondes) au ralenti, en le ré-égalisant et en le filtrant pendant plusieurs jours, et j’entendais toujours la même phrase : « je suis toi ».
Partagé entre la peur et l’incrédulité, et en me demandant si je n’essayait pas de me convaincre, d’une part que c’était une voix, d’autre part que j’avais bien entendu, j’ai mis de côté ce fichier son, l’écoutant de temps en temps pour voir si mon impression était toujours la même.

Je l’ai ressorti en 2012 pour le faire entendre à Léa Ponty avec qui nous discutions de l’installation de Mike Kelley et Scanner en 2003 à Beaubourg. Elle me parla alors des EVP (Electric Voice Phenomenon), apparemment bien connus et du livre « Rorschach Audio » de Joe Banks (dont le travail est par ailleurs excellent) sur ce thème.
J’ai fait quelques recherches là-dessus. Entre les spécialistes et chercheurs d’EVP qui recherchent et produisent en quantité des enregistrements de voix (de défunts bien sûr, qui tentent de communiquer, toujours dans la langue de l’auditeur, à croire que les morts restent là où ils ont vécu ou qu’ils n’ont pas de moyen de déplacement, ou qu’ils veulent être sûrs d’être compris…), ceux qui ont, par hasard, entendu leur femme morte leur parler, et tentent de renouer le fil rompu, les sectaires qui voient là une preuve de la  vie après la mort, etc, on y pourrait passer une vie (Jürgenson, Raudive, Szalay…).

je suis toi : je=toi

Si, dans la mort, le temps est aboli, qu’il n’y a plus de flèche du temps, un esprit voyage toujours au présent dans le passé et le futur des vivants.
Une voix me dit qu’elle est moi, autrement dit je m’adresse à moi-même. Si ce n’est pas un simple miroir, un écho de mon propre esprit (une vision, un phantasme), alors en tant qu’esprit, je suis double (voire triple, quadruple…), je me parle et m’écoute simultanément.
Pourquoi je ne pourrais alors pas avoir deux âmes, être deux esprits (…) incarnés simultanément?
Je (je=esprit) peux alors me rencontrer moi-même,ne pas être d’accord avec moi-même, faire l’amour avec moi-même, me suicider sans mourir (ou en partie seulement), je peux alors être vivant et mort, me réincarner alors que je suis incarné…

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English

For several years, I kept a record that I did not dare talk about.

In 2008, while working on a dull sound recording to extract elements for a live performance, I heard in the noise a sound that has troubled me. I listened to it again for many times without being able to hear anything else than what I heard at first.
As we see shapes in clouds or we hear music in the wind rushing in an ajar window, a voice seemed to appear on the background noise. Just after a sound I wanted to isolate to rework, a vocal timbre seemed to say « deux, huit, trois » (two, eight, three) so little articulated.
After various filtering and equalizations to remove the ambient wind (the wind in the trees), there was only the sound events, birds, the slamming of a car door (?), a distant train, people who take a street not far, a plane …
I listened to this short sequence (about 2 seconds) at slower speeds, re-equalizing and filtering it for several days, and I was still hearing the same phrase: « je suis toi » (I am you).
Torn between fear and disbelief, and wondering if I was not trying to convince myself, on one hand that it was a voice, on the other hand that I had heard correctly, I put this sound file aside, listening to it from time to time to see if my impression was always the same.

I brang it out again in 2012 to be heard by Lea Ponty with whom we discussed the installation of Mike Kelley and Scanner in Centre Pompidou in 2003. She then spoke of EVP (Electric Voice Phenomenon), apparently well-known, and about the book « Rorschach Audio » by Joe Banks (whose work is otherwise excellent) on this topic.
I did some research. Between EVP specialists (firstly, Jürgenson, Raudive, Szalay …), researchers seeking and produce in quantity voice recordings (of the dead, of course, trying to communicate, always in the language of the listener, as if the dead remain where they lived, or they have no means of transport or they want to be sure to be understood  …), those who, by chance, heard their dead wife talk to them, and try to reconnect the broken thread, the sectarians who see a proof of life after death, etc., I could spend a lifetime on searching.

I am you: I = you

If, in death, time is abolished, there is no more time arrow, a spirit always travel in a present tense through the past and future of the living ones.
A voice told me it’s me, ie I address myself. If this is not a simple mirror, an echo of my own mind (vision, fantasy), then as a spirit, I am double (or triple, quadruple …), I simultaneously speak and listen to myself .
Why then could not I have two spirits embodied simultaneously then one or two souls?)?
I (I = spirit) can then meet myself, can not agree with myself, make love to myself, kill myself without dying (or only partly, one of my myselves), then I can be alive and dead, reincarnate while I am incarnated …